Quitter le nid : une brève histoire du défilé de fin d’année de l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers
Alors que cette nouvelle année académique touche bientôt à sa fin, les étudiants en mode des différentes académies s’apprêtent à présenter leurs créations. L’un des départements de mode les plus avant-gardistes au monde, situé en plein cœur de la ville d’Anvers, est sur le point de présenter sa toute dernière cuvée de diplômés. Découvrez avec nous comment la section mode de l’Académie Royale des Beaux-Arts a su transformer ses représentations intimistes annuelles en défilés de mode grandioses attendus avec impatience.
[Quelque part] Dans les archives du MoMu, il existe un film 8 mm en noir et blanc montrant des jeunes femmes en tenues modestes – certaines riant timidement – déambulant à travers quatre rangées de sièges disposés à la va-vite, des esquisses de leurs tenues à la main. C’était alors le défilé de fin d’année de 1967, le deuxième depuis le lancement de cette section. La musique était diffusée par un gramophone et des tenues « pop » s’entremêlaient avec des costumes et des scénarios théâtraux. […] La soirée se déroulait dans le réfectoire, dans le style des vieux salons parisiens de haute couture où des mannequins évoluaient devant le jury en leur présentant leur numéro (ou le croquis de leur silhouette). Un demi-siècle plus tard, ce même événement annuel s’est transformé en un géant de la haute couture. Il avoisine maintenant les quatre heures de défilé de silhouettes par des mannequins professionnels, devant un public, et il est présidé par un jury international composés de grands créateurs de mode, de dénicheurs de talents et de journalistes.
Bien que le défilé de fin d’année n’ait cessé d’évoluer au fil des années, il a toujours fait partie intégrante de la formation des étudiants. Leurs créations prenant ainsi vie sur le podium leur permettent de revenir sur leur travail, mais pas seulement : petit à petit, cette introspection s’est transformée en un spectacle à part entière, offrant aux étudiants la possibilité de se faire connaître de l’industrie de la mode internationale.
Lors de son lancement en 1966, la section mode de l’Académie s’était présentée comme fournisseuse de « stylistes » pour l’industrie belge du vêtement. Ce dessein se traduisait par des représentations assez intimistes où tout tournait autour de vêtements « appropriés » et bien exécutés, mais la plupart du temps dénués de tout style et portés par des camarades de classe ou des amis. Les étudiants présentaient alors leur travail à un petit comité composé de membres de leur famille, d’amis et d’un petit groupe de représentants locaux de l’industrie.
À l’aube des années 80, l’Académie a été vivement encouragée à effectuer un virage à 180 degrés. Inspirés par des créateurs tels que Mugler et Gaultier – dont les défilés extrêmement élaborés et les créations uniques ont fait forte impression dans le secteur –, les étudiants se sont battus pour plus de liberté créative. La promotion de 1981 a été la première à obtenir ce droit, et les carrières internationales à succès menées par certains de ses étudiants suite à ces défilés avant-gardistes n’ont pas seulement inspiré leurs successeurs, mais ont également transformé les attentes professionnelles des étudiants. L’Académie a donc rapidement emboîté le pas de ses étudiants sur ce chemin de l’innovation.
En réponse à l’intérêt croissant de la presse et du public pour le défilé de fin d’année, celui-ci a définitivement quitté les locaux de l’Académie en 1985 pour déménager dans la Handelsbeurs, beaucoup plus spacieuse. Simultanément, l’ambition des étudiants a continué de grandir, notamment à l’international. Linda Loppa, fraîchement nommée cheffe du département, continua de nourrir ces ambitions en introduisant un jury international et en autorisant des défilés séparés pour la mode et les cours de création de costumes. Geert Bruloot, chorégraphe des défilés depuis 1985, nous parle de cette génération d’étudiants qui a su se distinguer de ses prédécesseurs:
Si l’on compare les défilés de fin d’année des Six d’Anvers à ce que des personnes telles qu’An Vandevorst ou Jurgi Persoons ont fait quelques années plus tard, on peut voir une énorme différence de maturité.
Cet âge d’or ne pouvait cependant durer éternellement. De nos jours, la maturité des étudiants ne fait que croître : les étudiants en Master préfèrent produire des collections expérimentales lors de leur troisième année et réservent un professionnalisme sans précédent pour leur collection finale tout en misant sur la personnalité.
Bien que de nombreux créateurs se tournent aujourd’hui vers les médias sociaux et la diffusion en direct, l’Académie reste fidèle à son héritage, avec un défilé devenu une réelle carte de visite pour les étudiants : il s’agit là d’une chance unique de se faire connaître dans cette industrie où « les jeunes créateurs de mode ont besoin d’un succès quasiment instantané » (Bruloot).
Tout comme ses étudiants qui expérimentent, découvrent leurs talents et se lancent ensuite dans le monde de la mode, l’Académie a repoussé ses propres limites au fil des années afin de s’adapter à une industrie et à une population étudiante en constante évolution, et elle continuera sur cette voie dans le futur – un futur qui vaut la peine d’être attendu.
THE TEXT CONTAINS PASSAGES FROM "SHOWTIME” WRITTEN BY HETTIE JUDAH, PUBLISHED IN “FASHION ANTWERP ACADEMY 50”, PUBLISHED BY LANNOO